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Art & Design

Le MEG : une vision contemporaine de l’ethnographie

Premier musée construit ex nihilo à Genève, 4 ans après sa fermeture pour rénovation, le « nouveau » MEG (2014) est l’œuvre du bureau zurichois Graber Pulver Architekten AG. Véritable prouesse technique et architecturale, cette construction valide aussi bien les besoins techniques et stylistiques de l’établissement que les objectifs économiques et écologiques de la Ville de Genève. Retour sur l’histoire – et la reconstruction ultra moderne – d’un lieu capital de la Genève internationale, jouissant finalement d’une structure à la hauteur de l’importance de ses collections.

Histoire d’un musée genevois

Le MEG voit le jour en 1901 à la villa Plantamour, dans le parc de la Perle du Lac, avant de déménager 40 ans plus tard à Plainpalais, où il réside encore actuellement. Son fondateur est l’anthropologue genevois Eugène Pittard (1867-1962), l’un des premiers professeurs universitaires à invalider scientifiquement la notion des races humaines, dans son ouvrage « Les Races et l’histoire » (1924). Le musée est installé au sein de l’ancienne école primaire du Mail, construite par l’architecte Étienne Poncy. Problème : avec le temps, l’immense collection ne cesse de grandir et prend rapidement trop de place. Il faut alors trouver une solution, mais cela n’est pas simple.
En 1972, la Ville de Genève procède à l’achat de la Villa Lombard, afin d’en faire l’annexe du MEG. Située dans le quartier de Conches à Chêne-Bougeries, elle accueille alors la Collection George Amoudruz : un important assortiment d’ethnographie alpine et rhodanienne. Depuis l’arrivée du nouveau musée, la villa a été rendue au Conseil administratif de la Ville de Genève. À présent rebaptisée « Maison De La Créativité », elle est consacrée aux activités de l’éveil culturel et artistique des tous petits. « Permettant ainsi à chaque enfant, de créer, de rêver, de construire, de partager, d’imaginer avec la complicité de l’adulte qui l’accompagne », pour citer les paroles mêmes de la maison.
Dans les années 80, plusieurs idées de rénovations et/ou de reconstructions sont proposées, certaines d’entre elles arrivent à un stade de développement avancé, mais aucune n’aboutit. En 2001, le projet est soumis à référendum pour finalement n’obtenir que 39% de voix favorables. Suite à ce nouvel échec, un groupe de travail – mené par Jacques Hainard, alors directeur du musée d’ethnographie de Neuchâtel – est créé pour repenser le projet. L’idée de la rénovation est retenue, faisant ainsi écho à l’attachement profond des genevois pour l’ancienne école où se trouve le musée. La mission du groupe ? Recréer un lien fort entre l’ethnographie et le public local.


Contraintes et solutions architecturales

En 2007, la Ville de Genève lance un concours pour rénovation et extension du Musée Ethnographique de Genève (MEG) – Plainpalais (Genève). Le problème à résoudre ? Toujours le même, l’établissement est à l’étroit. L’objectif avoué ? Éviter absolument une construction « lourde » finissant inéluctablement par prendre plus d’importance que les objets qu’elle abrite. Autre impératif : réduire au maximum la luminosité afin de maximiser les options scénographiques.
Cinquante bureaux, principalement venus de Suisse et de pays limitrophes, participent au concours, mais c’est le concept des architectes zurichois Graber Pulver Architekten AG qui séduit le jury par sa logique en « iceberg ». En effet, deux tiers du bâtiment sont logés en sous-sol, ce qui permet d’éviter une modification excessive de l’aspect global du site. Cette idée solutionne également le trop-plein de luminosité, offrant ainsi d’infinies variations décoratives. Autre point positif : l’espace gagné (grâce à la partie souterraine) libère une agréable place publique. De loin, on reconnait facilement le MEG à son toit à double pente, revêtu d’aluminium anodisé. Le musée fait alors office de point de repère dans la rue, ajoutant ainsi un éclat de « beauté contemporaine » au quartier des bains.


Les chiffres et détails clés du bâtiment

Situé au 65 du Boulevard Carl-Vogt, à quelques pas seulement de la Plaine de Plainpalais, le MEG est un bâtiment labélisé MINERGIE / HPE dont la période de construction s’est étendue de 2010 à 2014. Quant au coût global des travaux de rénovation, ils sont estimés à environ CHF 65’476’000.-.
Bénéficiant d’une structure complexe en béton avec toit pointu, ouvertures losangées et parement métallique, le bâtiment dispose d’une surface brute de plancher de 10’510 m2 pour un volume SIA 416 de 56’370 m3. L’espace consacré aux constructions est d’environ 2’000 m2. En 2018, 167’910 visiteurs ont pu admirer les expositions et autres événements, avec une moyenne de 580 visiteurs par jour dont 60% ont moins de 30 ans. L’exposition « Afrique : les religions de l’extase » a réuni, à elle seule, 50’452 personnes.


Le MEG aujourd’hui

Aujourd’hui, le musée abrite 100’000 objets provenant de cinq continents et plus de 300’000 documents. Dirigé par Boris Wastiau, le MEG possède la deuxième collection la plus importante de Suisse après le Musée des Cultures de Bâle et a multiplié par quatre sa moyenne de visiteurs, depuis sa rénovation. Passée l’entrée monumentale de cet édifice high-tech, on trouve la Bibliothèque Marie Madeleine Lanoux contenant environ 45’000 ouvrages, mais aussi des ateliers de médiation, un foyer (capacité de 300 personnes) une cafétéria, un cinéma, une salle de musique, une salle polyvalente (capacité de 250 personnes), ainsi que deux salles de séminaire.
Bien plus qu’un musée traditionnel, le MEG se plait à briser les codes en organisant de nombreux événements et autres activités tels que des contes, de la musique, des débats, ou encore des festivals, à l’instar du Black Movie. En 2015, le MEG confirme son succès – cette fois-ci sur le plan strictement architectural – en recevant le Red Dot Award Communication Design et deux ans plus tard le Prix du musée européen, ainsi que le Prix Multi-Media Art Innovative-Silver. L’année qui se termine marque un nouvel exercice réussi pour le musée. Le MEG confirme ainsi son statut de lieu unique dont la programmation audacieuse, novatrice et éclectique a offert un souffle nouveau à l’ethnographie en Ville de Genève.


Pascal Viscardi


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